S'étendant sur sept pays d'Europe centrale et orientale, la chaîne de montagnes des Carpates abrite certaines des plus grandes forêts intactes du continent. Elle compte près de 4 000 espèces végétales, ainsi que d'importantes populations d'ours bruns et de loups gris.
En 2003, la Convention des Carpates a été établie, réunissant la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie et l'Ukraine, afin de protéger les forêts, la faune et les écosystèmes de la chaîne. Mais le changement climatique menace ces atouts naturels : de nombreuses régions devenant plus chaudes, plus sèches et plus sujettes aux incendies de forêt.
Cette année, la Journée mondiale de l'environnement du 5 juin a pour thème la restauration des terres, la lutte contre la désertification et la résistance à la sécheresse. Pour savoir quels sont les effets du réchauffement climatique sur les Carpates et comment les pays peuvent préserver et restaurer l'une des rares régions véritablement sauvages d'Europe, nous nous sommes entretenus avec Harald Egerer. Il dirige le bureau de Vienne du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et est le secrétaire de la Convention des Carpates, administrée par le PNUE.
Pourquoi la chaîne de montagnes des Carpates est-elle si importante ?
Harald Egerer (HE) : Les Carpates sont la deuxième plus grande chaîne de montagnes d'Europe, un joyau de la nature. Les forêts couvrent plus de la moitié du territoire, y compris des forêts anciennes qui se sont développées au fil des siècles sans être perturbées par l'être humain. La flore indigène est l'une des plus riches du continent. Les Carpates abritent les plus grandes populations européennes d'ours bruns, de loups, de lynx, de bisons d'Europe et d'espèces d'oiseaux rares, dont l'aigle impérial, qui est menacé d'extinction. Il est également important de rappeler que les Carpates contiennent les bassins du Danube, du Dniestr et de la Vistule, sources majeures d'eau douce dans la région.
Quels sont les effets du changement climatique sur la région ?
HE : Les régions montagneuses sont particulièrement fragiles. Elles sont plus exposées au changement climatique et aux conditions météorologiques extrêmes que les plaines environnantes. La région des Carpates s'est réchauffée au cours des 50 dernières années. Sa température moyenne annuelle devrait augmenter de 3,0°C à 4,5°C d'ici à 2100.
Cela se traduit par des vagues de chaleur, des sécheresses, des précipitations irrégulières et des inondations plus fréquentes et plus intenses. La sécheresse accroît le risque d'incendies de forêt et d'invasions de parasites dans les Carpates, tandis que des pluies plus abondantes et plus intenses augmentent le risque d'inondations et de glissements de terrain. La qualité des sols et de l'eau est menacée. Dans certaines régions, comme le sud de la Hongrie, de la Roumanie et de la Serbie, la baisse du niveau des rivières en été augmente la probabilité de sécheresse et d'érosion des sols.
Les zones humides de haute altitude, qui contribuent à prévenir les inondations en absorbant les fortes précipitations comme une éponge, risquent de s'assécher. Cette situation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la biodiversité, si l'on considère le nombre d'espèces végétales et animales dont l'habitat dépend des zones humides. En outre, de nombreux oiseaux migrateurs utilisent ces zones humides comme halte pour se nourrir et s'abriter. Les prairies risquent également de se dégrader.
Que peut-on faire pour réduire les effets du changement climatique dans les Carpates ?
HE : Les politiques d'adaptation sont essentielles pour protéger les écosystèmes et renforcer la résistance à la sécheresse et à d'autres phénomènes météorologiques extrêmes. Par exemple, il existe un certain nombre de moyens de réduire le risque d'incendies de forêt. La restauration des forêts naturelles et la gestion forestière respectueuse de la nature sont d'une importance capitale. L'éclaircissement ou l'élimination des arbustes et des branches mortes, qui peuvent s'enflammer plus facilement, est une approche. Une autre consiste à assurer un mélange d'espèces d'arbres dans une forêt, ce qui peut ralentir la propagation du feu. La restauration des tourbières et des zones humides, l'un des objectifs de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, n'est pas seulement bénéfique pour la biodiversité. Elle peut également contribuer à protéger les zones environnantes contre les inondations. En effet, les zones humides retiennent de grandes quantités d'eaux de crue en amont, ce qui ralentit la libération de l'eau en aval. Sur une note positive, de nombreux travaux sont menés dans la région pour développer les connaissances sur les risques climatiques pour les forêts et promouvoir des techniques de gestion forestière intelligentes face au climat.
Quels sont les autres défis environnementaux auxquels la région des Carpates est confrontée ?
HE : La région est confrontée à différents défis environnementaux tels que la déforestation due à l'exploitation forestière illégale et aux pratiques forestières non durables, la fragmentation de l'habitat, le changement climatique, la modification de l'utilisation des sols et la pollution de l'eau. La guerre qui touche l'un des pays des Carpates pose des problèmes supplémentaires à la région. Il est évident que la protection de l'environnement a diminué en Ukraine et que la pression sur les ressources naturelles et la pollution se sont accrues. Dans toute la région, la gestion des déchets et des déchets plastiques est un problème majeur. Les projets d'infrastructure et d'autres types de développement exercent également des pressions sur l'environnement.
Quelles sont les plus grandes réussites de la Convention des Carpates ?
HE : Depuis plus de 20 ans, la convention offre aux décideurs de sept pays une vision commune et un cadre de coopération pour la protection de la nature. Cela s'est traduit par des centaines d'initiatives et de changements législatifs au niveau national. De nombreux programmes de financement de l'Union européenne ont inclus la Convention des Carpates comme critère de financement. La convention a également adopté cinq protocoles visant à protéger et à garantir le développement durable des Carpates en matière de biodiversité, de gestion des forêts, de tourisme, de transport et d'agriculture.
Que fait-on pour promouvoir la biodiversité ?
HE : Nous sommes la première région au monde à appliquer le cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal au plan régional. Figurant dans le cadre pour la biodiversité des Carpates, les pays des Carpates se sont également engagés à mettre en œuvre la Vision 2050 pour les Carpates, une stratégie visant à conserver, restaurer et utiliser judicieusement la biodiversité et la beauté naturelle des Carpates dans l'intérêt de l'environnement et des millions d'habitants de la région.
Il convient également de souligner nos travaux de préservation et de restauration des corridors écologiques dans les Carpates. Cela permet de préserver la population de grands carnivores et de soutenir la biodiversité exceptionnelle de cette région.
Journée mondiale de l'environnement
La Journée mondiale de l'environnement, qui a lieu le 5 juin, est la journée internationale consacrée à l'environnement la plus importante. Dirigée par le PNUE et organisé chaque année depuis 1973, cet événement est devenu la plus grande plateforme mondiale de sensibilisation à l'environnement. Des millions de personnes du monde entier s'engagent à protéger la planète à cette occasion. Cette année, la Journée mondiale de l'environnement se concentre sur la restauration des terres, la lutte contre la désertification et la résistance à la sécheresse.
Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030
La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030, menée par le Programme des Nations unies pour l'environnement, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et leurs partenaires, couvre les écosystèmes terrestres, côtiers et marins. Appelant à l'action au niveau mondial, elle rassemblera le soutien politique, la recherche scientifique et les moyens financiers afin d'intensifier massivement la restauration.